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COLLOQUE DU 29 janvier 2011. La valorisation humaine : La gouvernance des entreprises
Les INTERVENANTS(par ordre alphabétique)
Edwige AVICE, Ancienne ministre
Michel AGLIETTA, Cercle des économistes
Jean-Claude DELGENES, Economiste
Guillaume DUVAL, Rédacteur en chef du nouvel économiste
Denis LANGLET, Economiste, spécialiste des questions sociales
Pierre LARROUTUROU, auteur d'un nouveau projet de société
Willy PELLETIER Sociologue
Guy ARCIZET, Grand Maître du Grand Orient de France
La personne humaine est-elle la grande perdante des évolutions actuelles
Compte rendu de la table ronde du matin
Les participants étaient nombreux ce samedi matin, et des représentants de groupes régionaux (Marseille, Toulouse, …) avaient fait le déplacement.
Laurent Chaffard, animateur de cette table ronde et organisateur de ce colloque, avec le bureau du Cercle Ramadier, commence par remercier les présents. La mise en place d’une telle manifestation demande en effet beaucoup d’efforts. Ceux-ci ont été récompensés par l’intérêt manifesté pour cette journée de réflexion.
Il rappelle que tout le monde, ou à peu près, est d’accord pour dire que la société doit être au service des individus. Or il a de plus en plus l’impression que la société est dominée par la finance et que les hommes et les femmes sont les grands perdants des évolutions actuelles, voire qu’ils sont de plus en plus méprisés. C’est ce qui a justifié le choix du thème de ce colloque.
En guise de lancement de la table ronde l’animateur cite Antonio Gramsci et le concept de « domination intellectuelle » qu’il a développé. Le groupe (ou la classe) dominant(e) exerce sur la société une hégémonie à travers des représentations du monde qui conditionnent la façon de penser de la majorité. Aujourd’hui on parlerait de « pensée unique ». Ceci a une très grande importance car fixe, de fait, ce qu’il est permis ou pas de faire et met en place un puissant phénomène d’autocensure.
Or, depuis au moins 40 ans, s’est imposé un mythe qui fait appel à des notions et à des concepts présentés comme des vérités révélées qu’il est interdit de contester. Par exemple :
- les marchés sont l’expression la plus achevée du génie humain, ils s’autorégulent, sont efficaces et doivent être le plus libre possible,
- les services publics sont inefficaces,
- le développement de l’économie est conditionné par l’offre,
- les budgets des Etats doivent être en équilibre,
- les règlementations sont mauvaises et nuisent au progrès,
- l’Etat « n’est pas la solution, il est le problème »,
- le libre échange est forcément une bonne chose,
- la concurrence est une bénédiction, elle doit être libre
- etc., etc..
A un moment ce mythe a été représenté par ce que certains ont appelé le « consensus de Washington ».
Or, les récents travaux des économistes montrent que tout ceci ne tient pas. De plus la succession de crises enregistrée, depuis que les mesures de régulation mises en place après la deuxième guerre mondiale ont été abandonnées, prouve qu’effectivement le mythe qui nous est proposé, pour reprendre un éditorial du New York Times est « un conte de fées. Nous sommes fous de continuer à y croire ».
Le problème est que cette représentation du monde influence beaucoup plus qu’on ne le croit le raisonnement de ceux-là même qui se disent opposés à ce mythe. Qui peut citer une idée réellement neuve apparue ces 30 dernières années ? N’est-il pas symptomatique que la mesure phare de la campagne du Président Obama, en 2008, ait été la mise en place de l’assurance maladie, revendication en tête de tous les programmes progressistes aux USA depuis 1948, c'est-à-dire depuis 60 ans !
Il invite donc les participants à ne pas s’auto censurer et à faire preuve de créativité. C’est paradoxalement au nom de la « liberté » (libre marché, libre entreprise, libre commerce, libre concurrence, libre échange, … ) que notre intelligence a été asservie, la « norme » imposée nous interdisant de remettre en cause une vision du monde et des pratiques qui profitent à une minuscule oligarchie mondiale mais qui conduisent une part considérable de l’humanité à la misère et à la précarité. Sans parler de la catastrophe écologique qui nous guette tous.
Interventions de la salle :
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Compte rendu des débats : Remarque liminaire : faute de temps, tous ceux qui souhaitaient prendre la parole n’ont pas pu le faire. Un participant a donc fait la proposition suivante. Proposition : il est demandé aux responsables du Cercle Ramadier de mettre en place un forum sur le site internet de l’association afin que les échanges puissent continuer.
- Nous devons aller au-delà du constat et faire des propositions. Nous devons sortir du pessimisme.
- Nous sommes tous, plus ou moins, contaminés par la pensée unique ; nous devons comprendre comment cela a été possible.
- Nous ne devons pas être pessimistes. La crise de 2008 ne s’est pas accompagnée des mêmes catastrophes que celle de 1929. Une proposition : sortir du carcan individuel du PIB
Eléments de réponse des 3 intervenants :
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- Le constat n’est pas pessimiste, il est implacable et il correspond à la réalité du monde du travail. « Pourquoi avons-nous laissé faire ? » est une question que nous devons effectivement nous poser. La finance est trop importante pour la laisser aux financiers, leur avidité est sans limite. Nous devons très vite leur enlever la liberté qu’on leur a laissée, il faut nationaliser les banques sans indemnisation. Chaque individu a des éléments de réponse. Ainsi, par exemple, il conviendrait de nationaliser une partie de la presse. On sait ce qu’il faut faire : rétablir la démocratie.
- Une toute petite oligarchie s’est octroyée tous les leviers. En particulier le système des grandes écoles est à revoir en France : 2 ou 3 grandes écoles fournissent tous les dirigeants du Cac 40. Il y a de plus en plus uniformité des origines sociales et des modes de pensée. On rentre alors dans un système qui est celui des « héritiers » et qui débouche parfois sur de grands « massacres» d’entreprises qui ne sont jamais sanctionnés. Il est de la plus grande importance de s’attaquer rapidement à cette question de la mainmise par une petite oligarchie sur l’ensemble de la société. La France doit aussi s’attaquer à la question de la disparition de son industrie : en 1981 cette dernière représentait 32% de son PIB et 33% de celui de l’Allemagne. Aujourd’hui elle représente toujours 33% du PIB de l’Allemagne mais plus que 17% de celui de la France.
- Notre rôle est d’aider à la constitution d’une communauté éclairée et propager l’information. En effet il y a pensée unique et information unique. Nous devons sortir du mythe qu’on nous a imposé. Les cercles éclairés comme le cercle Ramadier peuvent contribuer à l’élaboration et aider à la diffusion d’analyses « hétérodoxes ». Le travail en réseaux est indispensable. Nous devons combattre les idées fausses. Un exemple : en économie, il n’y a pas de « lois ». Ce sont les politiques qui fixent les règles. Nous devons en tirer les conséquences. Une proposition : revoir le statut des entreprises ; il n’y a aucune raison de continuer à donner au capital la totalité des droits. Il est tout à fait envisageable de concevoir des statuts évolutifs dans le temps ou le capital serait peu à peu remplacé par du travail, c'est-à-dire par des droits pour les salariés, au fur à mesure que le capital aurait été rémunéré par l’entreprise. Nous devons nous poser la question : « c’est quoi la propriété ? ». Nous devons également nous interroger sur les mécanismes de la création monétaire qui échappent à toutes les institutions démocratiques.
Interventions :
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- Ne pas créer des biens de consommation inutiles, sinon on augmente la fragilité du système pour augmenter la production. Nos schémas mentaux doivent être brisés. La monnaie est aujourd’hui créée par les capitalistes, il faut revoir le système monétaire et revenir à une maîtrise publique et démocratique de la finance.
- Un autre constat objectif, celui d’étudiants qui ne comprennent quasiment rien de ce qu’on leur enseigne. Dès les petites classes ils sont écartés de la voie royale de l’oligarchie. Comment faire cesser cette discrimination ? En licence de droit on est obligé de leur donner des cours de soutien de français. Cela sert à quoi de parler si les gens à qui on s’adresse sont incapables de sortir de la pensée unique ? Que faire pour que les élus comprennent qu’il faut changer le mode de fonctionnement de l’éducation nationale ?
- Nationaliser des pans de la finance et de l’économie, pourquoi pas, mais à condition d’avoir un projet, de donner des orientations. L’intervenant témoigne de ce qui s’est passé dans les années 1981-1985 lorsqu’il faisait parti de conseils d’administration de banques nationalisées : aucune orientation ne leur avait été donnée et le fonctionnement des ces organismes n’était en rien différent de ce qu’il était lorsqu’ils étaient privés.
Proposition : la TV a une grande importance dans la formation de l’opinion publique ; il est donc primordial que des associations philosophiques, par exemple la maçonnerie, puissent y intervenir régulièrement. Il convient d’exiger que, sur les chaînes publiques, ces organisations qui recherchent l’intérêt général aient, à des heures d’écoute raisonnables, chaque semaine, la possibilité de s’exprimer, un peu à l’image de ce qui se fait le dimanche matin sur France Culture.
- Jamais la richesse n’a été aussi importante, le problème c’est celui de la redistribution. Il faut s’attaquer à l’oligarchie et développer la démocratie.
Le milieu économique a su mettre en place des organisations mondiales (Michelin, Total, … sont des multinationales). Le monde politique non. Pourquoi ? Nous avons un vrai problème de déficit démocratique : nous nous trouvons aujourd’hui avec des institutions qui ne sont pas adaptées (G7, G20, Davos, …). Même des organisations politiques qui se veulent internationales (par exemple le « Parti Socialiste Européen ») n’arrivent pas à raisonner autrement qu’à travers les filtres nationaux. Proposition : travailler à la mise en place d’institutions démocratiques mondiales.
- La répartition entre revenus du travail et revenus du capital doit être revue. Quand à l’oligarchie, il faut la mettre à la porte.
- Comme dans la vieille chanson, le monde brûle, mais « tout va très bien Madame la marquise ». 40 milliards d’€ viennent d’être répartis aux actionnaires des entreprises du Cac 40 alors que tant de gens souffrent. Il y a un autisme des politiques qui est effrayant.
Le Cercle Ramadier a un rôle à jouer : poser les bonnes questions, diffuser l’information, lancer des débats, éclairer, dans la mesure de ses moyens, la société, porter une parole.
Ce qui s’est passé récemment en Tunisie doit nous rendre optimistes : beaucoup de choses sont possibles, plus qu’on ne le croit.
Eléments de réponse des intervenants
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- Le débat sur l’Education Nationale est un débat central. Chaque jeune doit avoir un travail, un toit, un salaire, c’est la clef d’une bonne vie en société. Mais on peut aussi agir localement. J’ai par exemple mis en place dans mon quartier une « école » de soutien à la langue française. L’action collective doit s’articuler avec l’action individuelle.
- Compte tenu de l’ampleur des dégâts occasionnés par le capitalisme financier, la question à se poser est : va-t-on pouvoir mobiliser suffisamment intelligemment les ressources collectives pour sortir de la crise autrement que par une guerre ?
Nous sommes dans des systèmes complexes, il y a donc plusieurs échelles, plusieurs niveaux de réflexion et d’action. Les aspects « micro » et les aspects « macro » des problèmes doivent être abordés simultanément.
En ce qui concerne l’Education Nationale, le but est de former du mieux possible les jeunes ; mais cela sert à quoi s’il n’y a pas de travail à leur proposer ? Il faut mettre en place une grande réforme mettant les jeunes au centre de la société.
Proposition : instituer un salaire étudiant associé à un contrat passé entre la société et l’étudiant. Cela permettrait de montrer concrètement aux jeunes que l’on a confiance en eux.
Un effort doit également être fait en matière de culture scientifique. Le Ministère de la Culture ne s’occupe absolument pas de la culture scientifique qui relève du Ministère de la Recherche ; c’est une erreur. La science doit avoir une place de choix à la TV et à la radio.
* L’Euro est actuellement en crise ; c’est une chance unique que nous devons saisir pour imposer une convergence européenne en matière fiscale et sociale.
- Les élites, en particulier les élites politiques, font preuve d’un autisme social surprenant. Les sociétés multinationales ont mis en place des organisations très efficaces. On peut se demander pourquoi les peuples n’ont pas réussi à faire de même ? Peut être faut-il penser à une nuit du 4 août au niveau international.
En Tunisie la seule organisation qui ait réussi à accompagner le mouvement est une organisation syndicale ; cela devrait nous faire réfléchir.
Education : on fabrique des clones, on transmet des connaissances sans développer les capacités de réflexion des jeunes, sans développer leur esprit critique. Il faut également revaloriser très vite l’enseignement professionnel.
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Quelle place pour l’Homme dans l’Entreprise ?
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Résumé de l’ intervention JC DELGENES fondateur et DG TECHNOLOGIA Colloque Cercle RECAMIER
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Nos analyses nous ont permis depuis notre création de porter un regard précis sur les évolutions du monde du travail. TECHNOLOGIA a réalisé des missions d’évaluation des RPS pour bon nombre de dossiers critiques…comme FT, Dossier TECHNOCENTRE RENAULT, La Raffinerie de Dunkerque TOTAL , le DOSSIER KERVIEL de la SG, etc
La place de l’Homme dans l’entreprise s’est dégradée au cours des trente dernières années en raison de différents facteurs extérieurs ou propres à l’entreprise.
Emergence de « L’impérium financier » à partir du début des années 90. Le modèle Stuart Spencer aux USA en 1991 donne la priorité absolue et irrévocable aux actionnaires qui imposent leurs hommes à la tête des entreprises. Les directeurs financiers prennent le dessus sur les capitaines d’industrie ou les commercants. A partir de cette époque les actionnaires et les directeurs financiers imposent une vision strict et restrictive de l’entreprise conçue avant tout comme un actif financier « pur » qu’il s’agit désormais d’optimiser par tous les moyens et dans toutes les dimensions.
Cela alors que bascule les rapports de force au niveau international - chute du mur de Berlin - puis passage des économies collectives de l’EST à l’économie du marché, amorce du développement de l’économie Chinoise …
Cet impératif de rentabilité qui conduit à accroitre souvent de manière démesurée les exigences de productivité de la part des salariés vise avant tout à servir des dividendes et stimuler le cours de bourse. Une rationalisation des standards de gestion elle-même permise par l’évolution de l’informatique assure un meilleur contrôle et une planification. On compte et calcule différemment en raison du calibrage, de la quantification de toutes les activités par les outils informatiques
Omniprésence de l’informatique qui impose son standard numérique. Depuis la création du premier micro-ordinateur en 1971 à PALO ALTO par Xerox, (année de la création aussi des premiers protocoles internet, des interfaces graphiques et des imprimantes laser puis des commutateurs réseaux quelques années après) , permet la construction d’un réseau mondial de communication. Les capitaux peuvent alors circuler dans le monde entier et s’affranchir des contraintes temps et des distances. La maitrise des réseaux permet aux détenteurs de capitaux, une petite oligarchie financière de déployer des stratégies mondiales pour assurer le bon placement de leur argent. Ils jouent sur tous les espaces et les écarts (monnaie, matières premières, main d’œuvre, etc ) afin de générer des profits. Se met peu à peu en place une économie tournée vers la spéculation et qui s’affranchit du réel, dont profitent les banques et les organismes financiers qui se multiplient à l’échelle nationale et mondiale.
Le capitalisme financier se nourrit des énormes différentiels dans la redistribution des richesses qui vont plus aux détenteurs de capitaux qu’aux salariés. D’énormes inégalités apparaissent aux USA et en UE qui alimentent les bulles spéculatives. 1 % des plus riches accaparent aux USA 27 % du revenu national en 2009. Ces sommes sont sorties de la consommation car cette petite partie de la population ne peut pas les consommer…au contraire elle cherche à les rentabiliser et investit dans des secteurs qui peuvent alors vite dégager des bulles : immobiliers, Dot Com, etc.
En France, ce phénomène est aussi renforcé en raison de la main mise sur les grandes entreprises par les anciens élèves des grandes Ecoles qui constituent un fort réseau et une vraie caste. Le mode de sélection des encadrants qui manque de diversité ne prépare pas suffisamment les futurs dirigeants à une prise de décision adaptée sur le plan social. Les erreurs sont nombreuses et se payent par des destructions massives. Par ailleurs la création d’entreprise est entravée par la vision et le sort réservés au travail manuel et à l’enseignement professionnel.
L’économie interne des entreprises s’est largement transformée en éradiquant de plus en plus les espaces d’épanouissement professionnel pour les salariés et la qualité du travail qui reste une valeur centrale pour les individus. La programmation très fine de l’activité ( direction par objectifs DPO) pour assurer une bonne cotation en hausse se traduit par une intensification régulière des charges de travail. Cette intensification est elle-même étendue à des plages qui auparavant étaient consacrées à des activités autres que le travail en raison de la généralisation des outils de communication à distance. La numérisation de la société mal assumée assure une porosité et tend à rompre les équilibres et l’articulation des temps sociaux. Phénomènes accentués dans les grandes métropoles par les difficultés de transport. La financiarisation des sociétés à son stade actuel conduit à un profond recul de la sociabilité au travail :
-réduction massive et récurrente des effectifs (anorexia corporate) ,
-« marchandisation du lien salarial » avec les externalisations d’activités.
-Le recul voir l’explosion des collectifs de travail devient patent. Ils s’expliquent en raison des mises en concurrence des salariés, de la montée de l’individualisme, des méthodes d’évaluations qui sont le plus souvent individuelles alors que la compétence est de plus en plus collective. Ce recul du collectif peut favoriser le passage à l’acte.
- Ces évolutions se font dans un univers de pression internationale sur les coûts du travail (un salarie français coute 10 fois plus cher que son homologue chinois) qui n’ont pas été régulées par les forces politiques : pas de respect des normes du BIT sur les conditions de travail…l’Europe beau projet de développement qui s’est ancrée dans une dimension économique n’a pas su pour l’instant défendre un modèle social.
* Les réponses sont donc à apporter à 4 niveaux pour tenter de trouver une place plus épanouissante à l’homme dans l’entreprise et dans la société. ( quelques pistes de travail qui n’épuisent pas le sujet)
Par exemple doter la France d’un observatoire des crises suicidaires pour avoir enfin des chiffres et une réflexion transdisciplinaire sur la question…poursuivre les efforts dans la remise à niveau dans la lutte contre les RPS…encourager les bonnes pratiques des entreprises..remettre en question la formation des élites…reconnaître et valoriser l’enseignement professionnel…donner plus de moyens aux inspecteurs du travail sur le plan de la réglementation…
- Au niveau de l’ UE : assurer la préservation du modèle social européen par un système de taxes (voire de fermeture de certains marchés) pour les entreprises qui ne respectent pas les droits de l’homme…renforcer les normes et leur respect ( comme le fait par exemple la Corée)… Taxer les mouvements de capitaux spéculatifs..
- Au niveau des entreprises mettre en œuvre un modèle ou le salarie peut s’épanouir mieux à son travail, favoriser le collectif, la promotion interne, former les encadrants à une meilleure prise en compte de l’humanité, faire prévaloir un modèle de création de richesses plus axé sur le moyen et long terme, former les cadres en masse à la question des RSP etc
- Au niveau de l’individu favoriser sa formation pour qu’il puisse revenir à un esprit plus collectif et laisse surgir son humanité.
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Bertrand Laforge, Paris, 29 Janvier 2011-
LA PERSONNE HUMAINE EST-ELLE LA GRANDE PERDANTE DES EVOLUTIONS ACTUELLE ?
Financiarisation de l’économie : impact sur l’emploi, les services publics, et sur la place de l’homme et de la femme dans nos sociétés.
Que devons-nous faire face à la crise ?
1. Regarder les choses en face, Dire la vérité : La gravité de la crise, Le risque d’un "global collapse"
2. Faire le bon diagnostic : La crise ne vient pas des marchés financiers, elle vient avant tout du marché du travail.
3. Agir vite : Comme à Philadelphie en 1944, donner la priorité à l’emploi et à la justice sociale.
En France, 1.200.000 chômeurs de plus en 30 mois : 5,4% en 1 an.
(Voir l'article publié in extenso à la page d'accueil)
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Quelle place pour l’Homme dans l’Entreprise ?
Résumé de l’ intervention JC DELGENES fondateur et DG TECHNOLOGIA Colloque Cercle RECAMIER
Nos analyses nous ont permis depuis notre création de porter un regard précis sur les évolutions du monde du travail. TECHNOLOGIA a réalisé des missions d’évaluation des RPS pour bon nombre de dossiers critiques…comme FT, Dossier TECHNOCENTRE RENAULT, La Raffinerie de Dunkerque TOTAL , le DOSSIER KERVIEL de la SG, etc.
La place de l’Homme dans l’entreprise s’est dégradée au cours des trente dernières années en raison de différents facteurs extérieurs ou propres à l’entreprise. Emergence de « L’impérium financier » à partir du début des années 90. Le modèle Stuart Spencer aux USA en 1991 donne la priorité absolue et irrévocable aux actionnaires qui imposent leurs hommes à la tête des entreprises. Les directeurs financiers prennent le dessus sur les capitaines d’industrie ou les commercants. A partir de cette époque les actionnaires et les directeurs financiers imposent une vision strict et restrictive de l’entreprise conçue avant tout comme un actif financier « pur » qu’il s’agit désormais d’optimiser par tous les moyens et dans toutes les dimensions. Cela alors que bascule les rapports de force au niveau international - chute du mur de Berlin - puis passage des économies collectives de l’EST à l’économie du marché, amorce du développement de l’économie Chinoise … Cet impératif de rentabilité qui conduit à accroitre souvent de manière démesurée les exigences de productivité de la part des salariés vise avant tout à servir des dividendes et stimuler le cours de bourse. Une rationalisation des standards de gestion elle-même permise par l’évolution de l’informatique assure un meilleur contrôle et une planification. On compte et calcule différemment en raison du calibrage, de la quantification de toutes les activités par les outils informatiques Omniprésence de l’informatique qui impose son standard numérique. Depuis la création du premier micro-ordinateur en 1971 à PALO ALTO par Xerox, (année de la création aussi des premiers protocoles internet, des interfaces graphiques et des imprimantes laser puis des commutateurs réseaux quelques années après) , permet la construction d’un réseau mondial de communication. Les capitaux peuvent alors circuler dans le monde entier et s’affranchir des contraintes temps et des distances. La maitrise des réseaux permet aux détenteurs de capitaux, une petite oligarchie financière de déployer des stratégies mondiales pour assurer le bon placement de leur argent. Ils jouent sur tous les espaces et les écarts (monnaie, matières premières, main d’œuvre, etc ) afin de générer des profits. Se met peu à peu en place une économie tournée vers la spéculation et qui s’affranchit du réel, dont profitent les banques et les organismes financiers qui se multiplient à l’échelle nationale et mondiale. Le capitalisme financier se nourrit des énormes différentiels dans la redistribution des richesses qui vont plus aux détenteurs de capitaux qu’aux salariés. D’énormes inégalités apparaissent aux USA et en UE qui alimentent les bulles spéculatives. 1 % des plus riches accaparent aux USA 27 % du revenu national en 2009. Ces sommes sont sorties de la consommation car cette petite partie de la population ne peut pas les consommer…au contraire elle cherche à les rentabiliser et investit dans des secteurs qui peuvent alors vite dégager des bulles : immobiliers, Dot Com, etc. En France, ce phénomène est aussi renforcé en raison de la main mise sur les grandes entreprises par les anciens élèves des grandes Ecoles qui constituent un fort réseau et une vraie caste. Le mode de sélection des encadrants qui manque de diversité ne prépare pas suffisamment les futurs dirigeants à une prise de décision adaptée sur le plan social. Les erreurs sont nombreuses et se payent par des destructions massives. Par ailleurs la création d’entreprise est entravée par la vision et le sort réservés au travail manuel et à l’enseignement professionnel. L’économie interne des entreprises s’est largement transformée en éradiquant de plus en plus les espaces d’épanouissement professionnel pour les salariés et la qualité du travail qui reste une valeur centrale pour les individus. La programmation très fine de l’activité ( direction par objectifs DPO) pour assurer une bonne cotation en hausse se traduit par une intensification régulière des charges de travail. Cette intensification est elle-même étendue à des plages qui auparavant étaient consacrées à des activités autres que le travail en raison de la généralisation des outils de communication à distance. La numérisation de la société mal assumée assure une porosité et tend à rompre les équilibres et l’articulation des temps sociaux. Phénomènes accentués dans les grandes métropoles par les difficultés de transport. La financiarisation des sociétés à son stade actuel conduit à un profond recul de la sociabilité au travail : -réduction massive et récurrente des effectifs (anorexia corporate) , -« marchandisation du lien salarial » avec les externalisations d’activités. -Le recul voir l’explosion des collectifs de travail devient patent. Ils s’expliquent en raison des mises en concurrence des salariés, de la montée de l’individualisme, des méthodes d’évaluations qui sont le plus souvent individuelles alors que la compétence est de plus en plus collective. Ce recul du collectif peut favoriser le passage à l’acte. - Ces évolutions se font dans un univers de pression internationale sur les coûts du travail (un salarie français coute 10 fois plus cher que son homologue chinois) qui n’ont pas été régulées par les forces politiques : pas de respect des normes du BIT sur les conditions de travail…l’Europe beau projet de développement qui s’est ancrée dans une dimension économique n’a pas su pour l’instant défendre un modèle social. Les réponses sont donc à apporter à 4 niveaux pour tenter de trouver une place plus épanouissante à l’homme dans l’entreprise et dans la société. ( quelques pistes de travail qui n’épuisent pas le sujet) Par exemple doter la France d’un observatoire des crises suicidaires pour avoir enfin des chiffres et une réflexion transdisciplinaire sur la question…poursuivre les efforts dans la remise à niveau dans la lutte contre les RPS…encourager les bonnes pratiques des entreprises..remettre en question la formation des élites…reconnaître et valoriser l’enseignement professionnel…donner plus de moyens aux inspecteurs du travail sur le plan de la réglementation… Au niveau de l’ UE : assurer la préservation du modèle social européen par un système de taxes (voire de fermeture de certains marchés) pour les entreprises qui ne respectent pas les droits de l’homme…renforcer les normes et leur respect ( comme le fait par exemple la Corée)… Taxer les mouvements de capitaux spéculatifs.. Au niveau des entreprises mettre en œuvre un modèle ou le salarie peut s’épanouir mieux à son travail, favoriser le collectif, la promotion interne, former les encadrants à une meilleure prise en compte de l’humanité, faire prévaloir un modèle de création de richesses plus axé sur le moyen et long terme, former les cadres en masse à la question des RSP etcAu niveau de l’individu favoriser sa formation pour qu’il puisse revenir à un esprit plus collectif et laisse surgir son humanité. ------------------------------------------------------------------------------ Interventions de la salle -------------------------------------- - Nous devons remettre l’humain au centre de nos préoccupations. L’étymologie du mot « travail » (trepalium instrument de torture) renvoie quelque part aux esclaves. Mais les esclaves au moins avaient un toit et étaient en général nourris. Aujourd’hui, avec les SDF, on voit des êtres humains qui n’ont plus de toit et parfois plus de nourriture. Et tout cela au milieu d’une société qui n’a jamais été aussi riche. C’est un scandale. Etant enseignante en ZEP je suis confrontée chaque jour aux dégâts que provoque notre système. Nous devons transformer la société en profondeur. Mais pour cela il faut aussi faire rêver les gens pour qu’ils se mettent en mouvement, il faut redonner de l’espoir. Nous devons travailler sur le concept de « BSM » : bonheur social minimum. - Certains partis de gauche, le PS par exemple, ne proposent que de gérer le système. Cela provoque un vrai malaise. Les « think tanks » constituent également aujourd’hui un problème, car certains d’entre eux, en nombre limité, se sont constitués en une sorte d’oligopole qui essaye de récupérer la pensée de gauche. C’est pour cela que tous ceux qui le peuvent ou le veulent doivent participer au débat public. Il est de la plus extrême importance de faire le bon constat. S’ils sont poussés à le faire, les partis et les hommes politiques relayeront après. Responsabilité sociale des entreprises (RSE) : nous devons retrouver le modèle social européen. Pour cela il importe de trouver une alliance entre les cadres et les non-cadres, car leurs intérêts sont aujourd’hui communs. - Attention cependant avec le concept de RSE. Il constitue aujourd’hui un outil mis en place par les entreprises pour leur bénéfice exclusif. La communication est totalement descendante, quelques grands principes sont mis en avant sans être respectés. Le « top management » définit les contraintes et laisse les cadres de terrain se débrouiller avec les contradictions du système. Pour faire court on peut dire que la notion de RSE n’est pas applicable dans sa définition actuelle. Le travail fait bien sûr référence au « trepalium », c’est une de ses caractéristiques. Mais il en existe une autre : c’est aussi ce qui permet à l’homme de conquérir sa liberté. C’est pourquoi la question du travail est aujourd’hui une question centrale. [1 New York Times « Cessons de nous ruiner pour sauver les riches » éditorial de Bob Herbert du 19 octobre 2009 cité par Denis Langlet dans son ouvrage « L’Economie en ruine » L’Harmattan, mai 2010 [2] « Quelle est l’utilité du mythe ? … il fixe des bornes à l’opposition, restreint la circulation des idées et réduit la sphère du débat acceptable … l’opposition respectable fait allégeance au système en acceptant son mythe directeur. Attitude qui rétrécit la gamme des idées défendables, puisqu’un vaste ensemble d’argumentations rationnelles se retrouve fort commodément exclues … C’est un processus d’intériorisation, d’autocensure. » … Les progressistes « ont, en gros, accepté les principes de base des conservateurs : contrôle de la monnaie, budgets en équilibre, réglementation dans le seul cas où l’on peut prouver un « échec du marché ». Et tant qu’ils resteront sous le charme, ils ne pourront pas penser ni dire le monde dans des termes réellement liés à son état actuel. Et ils ne pourront pas non plus formuler un programme politique qui ait une chance de fonctionner vraiment. » James K Galbraith, L’Etat Prédateur (Pourquoi la droite a renoncé au marché libre et pourquoi la gauche devrait en faire autant) Seuil septembre 2009. Cela dit assez bien pourquoi les forces de progrès soucieuses de liberté, mais aussi d’égalité et de fraternité doivent vite faire leur aggiornamento et sortir résolument du cadre (le mythe néo libéral) dont ils sont les prisonniers et parfois les complices. [3] Exemple JM Messier qui « hérite » de la CGE et qui laisse un champ de ruines [4] La formation est un leurre que l’on agite souvent pour culpabiliser les gens en essayant (et cela semble marcher) de leur faire accroire que le chômage est dû à une formation censée être inadaptée au « marché du travail » (cela permet de culpabiliser les enseignants, les parents d’élèves, les chômeurs). Ce qu’il faut c’est que les entreprises embauchent. La formation s’adaptera. Pierre Bourdieu avait déjà dénoncé le fait que l’on demandait aux travailleurs sociaux de régler l’ensemble des problèmes de la société sans leur donner bien sûr les moyens de le faire. On fait de même avec les enseignants. Tout montre que la formation est utilisée par l’oligarchie au pouvoir pour renvoyer la responsabilité de leurs actes sur d’autres. « Si les entreprises n’embauchent pas, la formation professionnelle ne sert à rien. Elle ne change rien non plus si les entreprises embauchent, à l’effectif qu’elles ont l’intention d’embaucher. Dans les deux cas de figure, elle n’est pas une solution au chômage, et elle n’est pas un substitut à des mesures qui sont de vraies solutions. » James K Galbraith (opus cité page 221 et suivante) [5] A ce propos, aux éditions La Découverte « Eloge du Carburateur. Essai sur le sens et la valeur du travail » Matthew B. Crawford ; par un universitaire qui a dirigé pendant quelques mois un « think tank » à Washington (USA) et qui répare maintenant des motocyclettes, avec bonheur et plaisir semble-t-il. (Dépôt légal mars 2010) -------------------------------------------------------------------------