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METROPOLIS par Jean Le Garrec
Situation étrange que cette période d’après élections présidentielle et législatives.
Un nouveau Président de la République, très jeune, super actif, qui a soigneusement préparé un « corpus » idéologique qu’il met en œuvre avec détermination. D’abord une présidentialisation du régime. Un Président tout puissant qui décide de tout jusque dans les moindres détails.
Un Premier Ministre absent, un gouvernement qui semble être construit plus sur une image qu’une capacité à maîtriser des dossiers souvent complexes. Une politique d’ouverture soigneusement réfléchie qui doit se poursuivre y compris dans la préparation des municipales. Sarkozy vient de défendre cette stratégie devant 2000 cadres de l’UMP réunis au Carrousel du Louvre à Paris le mercredi 18 juillet. Sarkozy pratique ainsi une stratégie que Clausevitz avait théorisé : « porter le désordre dans les rangs de l’adversaire. » Cette stratégie d’ouverture trouvera très vite sa limite car la politique mise en œuvre par le gouvernement est ultra libérale mais aussi très régressive sur les principes fondamentaux d’un état de droit.
Le discours au Sénat de Robert Badinter le 5 juillet 2007 est exemplaire. L’ancien Garde des Sceaux démontre avec une argumentation juridique impressionnante que le projet défendu par Madame Dati est inutile, dangereux et vexatoire pour la magistrature.
Lorsque la Ministre de l’Economie qui est aussi celle de l’Emploi déclare « qu’il faut cesser de penser et qu’il faut maintenant se retrousser les manches », elle fait injure à des millions de salariés, développe une vision du travail archaïque et dépassée alors qu’il serait indispensable d’engager une réflexion sur la pénibilité et les maladies professionnelles.
En 1926, le grand Fritz Lang tourne un film muet, Metropolis, dont l’action se situe au début du 20ème siècle. Fritz Lang a des moyens importants : des milliers d’ouvriers, en gris, la tête basse, qui entrent par des portes gigantesques dans une usine. Ils tournent en cadence d’énormes volants, actionnent des presses. Ils ne parlent pas, ne pensent pas.
Je pense que Madame Lagarde devrait se faire projeter ce film qu’elle ne connaît pas. Le Premier Ministre n’est pas en reste lorsqu’il annonce la suppression éventuelle de 17 000 postes dans l’Education Nationale et, pour faire bonne mesure, la nécessité d’un service minimum en cas de grève. Fillon reprend un discours traditionnel à droite où l’on considère les enseignants comme une charge plutôt qu’un investissement indispensable pour l’avenir.
Lorsque l’on veut mener une contre attaque, il est nécessaire de prendre son temps pour consolider ses positions sur des bases solides qui sont d’abord nos valeurs.
Lors du Conseil National du 23 juin 2007, Martine Aubry pose très bien le problème quand elle affirme : " Non, le socialisme n’est pas une idée du passé ! Nos valeurs sont vivantes ! "
A cet égard, nous ne devons pas renier ce que nous avons fait, parce que nous pouvons en être fiers. Les congés payés, l’abolition de la peine de mort, la libéralisation de l’audiovisuel, le RMI, la parité, le PACS, l’allocation dépendance, la CMU, les 35H, les deux millions d’emplois créés entre 1997 et 2002 autant que pendant les 30 glorieuses...
Nos adversaires nous disent incapables de prendre en compte les réalités économiques ? Mais enfin, qui a jugulé l’inflation dans les années 1980 ? Qui a créé la CSG en 1989 ? Qui a redressé les comptes de la sécurité sociale en 1999 ? Qui a qualifié la France pour l’Euro ? La droite ? Non ! C’est nous. Les socialistes !
Ne balayons pas d’un revers de main ce que nous sommes et ce que nous avons été. Soyons fiers de nos succès. Nos fondations sont solides. Sans elles nous ne sommes plus rien. Ce qu’il nous faut aujourd’hui, ce n’est pas une refondation. C’est une RENAISSANCE.
Renaissance, cela veut dire retrouver nos valeurs. C’est à dire, tout simplement, - avec modestie et humilité dirais-je-, même si la tâche est immense, écrire les nouveaux chapitres du socialisme sans déchirer les précédents.
Alors bien sûr, les réponses d’aujourd’hui sont différentes. Elles doivent être inventées. Elles doivent répondre aux attentes urgentes des français (salaire, emplois, logement, éducation, santé), tout en préparant l’avenir dans un contexte totalement nouveau : celui de la mondialisation, des nouvelles technologies, du choc démographique, et du défi écologique.
Nous devons innover sur ces réponses dans une société de plus en plus éclatée où par exemple, dans le monde du travail ; les chômeurs envient les salariés, les précaires les CDI etc.
Mais nous ne devons pas nous adresser à chaque catégorie par des mesures corporatistes ou clientélistes. Nous devons réaffirmer que nous nous battons pour l’émancipation de chacun par l’accès aux droits, car pour nous liberté rime avec égalité. Nous devons porter haut les valeurs de fraternité et de solidarité à côté de chez nous comme dans le monde, car ce sont ces valeurs qui redonneront l’envie de vivre ensemble et de préparer une société plus juste et plus forte.
Alors que la droite pense que l’accroissement de la compétitivité passe par une libéralisation totale du marché et la mise en cause de notre modèle social, nous voulons réconcilier l’économique et le social, réguler le marché et réinventer le progrès social d’aujourd’hui : la sécurité professionnelle tout au long de la vie, l’allocation autonomie pour les jeunes, pour ne prendre que ces exemples.
Alors que la droite accroît l’individualisme, le fractionnement de la société, exacerbe les peurs et les divisions, nous devons dire à chaque individu qu’il aura avec nous l’accès aux droits fondamentaux, que nous organiserons une société juste dans la répartition des richesses, mais que nous attendons de chacun le respect des règles et des autres, la responsabilité et pourquoi pas de la fraternité et de la solidarité.
Alors que la droite prône la réussite individuelle au détriment des autres, la loi du plus fort qui laisse de côté une partie de la société, le chacun pour soi, nous devons convaincre les français que l’aspiration à l’épanouissement individuel n’est possible que dans le cadre de protections et de progrès collectifs.
La France sera plus forte si elle est plus juste. Il n’y a pas d’ordre sans justice. Justice ce mot qui, ici comme dans le monde, doit être le leitmotiv des socialistes.
Cette renaissance, je la comprends donc, comme une remise en avant de nos valeurs, universelles dans le temps et dans l’espace, et comme une créativité dans les réponses, apportées aux problèmes et au monde d’aujourd’hui.
C’est ainsi, et non en courant sur le terrain de nos adversaires, que nous redonnerons envie aux Français de croire en une autre société. »
C’est aujourd’hui l’ambition du PS. C’est pour cela que le bureau national a adopté le principe de trois forums de la rénovation ainsi qu’un groupe de travail sur les institutions avec des dates précises. Le 1er forum se tiendra le 24 novembre 2007 sur le thème de la citoyenneté et de la Nation dans l’Europe et le monde d’aujourd’hui.
Le 2ème sur les modèles de croissance juste et durable aura lieu le 15 décembre. Enfin, le dernier forum sur l’avenir des protections collectives face à l’individualisation de nos sociétés se tiendra le 20 janvier 2008.
C’est en ayant ainsi reconstruit notre propre analyse et replacer nos valeurs dans le contexte d’une mutation où la spéculation financière devient le seul moteur fondamental du développement et des relations entre pays dans un monde ouvert, que nous pourrons engager de nouvelles batailles.
Cette interrogation est fondamentale. Je pourrai indiquer comme référence parmi bien d’autres, le livre de M. Patrick Artus et Mme Marie-Paule Virard : « Le capitalisme est en train de s’autodétruire ».
La captation par le gouvernement actuel de la communication est impressionnante. Le Président de la République est partout tous les jours et son équipe prépare soigneusement les sujets qui lui permettent d’apparaître : de la réunion des cadres UMP à la visite sur le Tour de France ou encore du mandat donné à sa propre épouse pour aller négocier en Libye.
C’est un mélange permanent entre les moyens politiques...et la "peopolisation".
Les journalistes commencent à s’inquiéter de cette situation. Le refus des journalistes du Monde de maintenir le mandat d’Alain Minc est un signe. L’appel de protestation contre la suppression de l’émission « Arrêt sur Images », à peu près 100 000 signatures, en est un autre. De même la contestation contre la suppression de l’excellente émission culturelle sur France Inter « la bande à Bonnaud »...
Pour les journalistes, très attachés à leur indépendance, nous commençons à atteindre la limite de ce qui est acceptable. C’est un problème sur lequel nous devrons être attentif dans les mois à venir.
Jean Le Garrec