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INTERVENTION D'ARNAUD MONTEBOURG
Député de Saône-et-Loire
La réorganisation des pouvoirs : La nouvelle donne
D’abord je veux adresser mes remerciements pour cette invitation qui dans cette période où nous sommes, période de construction de l’avenir nous avons parlé plus que d’habitude encore et confronter des points de vue qui ne sont pas d’ailleurs nécessairement convergents. C’est même la force de la gauche que d’avoir su maintenir les outils de discussion politique en son sein et d’élaboration par la maîtrise de ses divergences d’un projet qui permette de rassembler toute cette société qui, aujourd’hui, aspire au changement et au progrès.
Je veux bien sûr saluer Jean Le Garrec, Marie-Noëlle, l’ensemble des orateurs, Philippe-Michel Thibault qui vient de quitter la salle alors qu’il est chargé de me modérer… ce qui est bon signe…
Je dirais, que si nous avions à poser la donnée des problèmes du pouvoir, je dirais que ces données n’ont jamais changé ni évolué pour la gauche depuis que le parti socialiste existe, c’est-à-dire un siècle. Elle s’est toujours posé la question des conditions de l’accès au pouvoir, de son exercice et des conditions dans lesquelles elle assumait un rapport de force avec la société en s’appuyant sur une partie d’entre elle. Là les débats de 1934, congrès sous l’égide de Léon Blum, grand discours de Léon Blum, rappellent ces choix, ces problèmes… nous avons également dans les débuts de la cinquième République, d’ailleurs le fait que la gauche de Guy Mollet n’ait pas pensé la Quatrième République en rapport avec les problèmes de la décolonisation a amené quand même Guy Mollet à signer en bas, à droite, sur la copie du Général. Pensant d’ailleurs faire œuvre utile à son parti. Il faut lire d’ailleurs – j’ai lu cela pendant les vacances de Pâques, le week-end de Pâques a été pour moi un week-end très tourmenté car j’ai lueL’Agonie de la IVe République par Michel Winock dans la collection Gallimard : Les journées qui ont fait la France. Lisez ce livre, c’est éblouissant de vérité, d’ailleurs enrichi des archives et de l’historiographie actuelle, modernisée par l’ouverture des archives, toujours pas encore totalement acquises, vous l’avez compris de la période de la guerre d’Algérie. Et vous verrez le rôle que le parti socialiste, un grand parti socialiste, celui des tomates devant le Gouvernement général d’Alger en 56 une fois la victoire du Front Républicain, la démission du général Catroux et tout cela se terminant le 1er juin 58 : Guy Mollet ministre du gouvernement du général de Gaulle, et avec cet espèce de mélange compromis politique de l’époque : le césarisme gaullien taillé sur mesure pour le Général et le désir minoritaire dans la situation politique de l’époque d’un parlementarisme qui permettait de modérer tout cela.
C’est ce compromis politique qui est train d’éclater aujourd’hui. Nous vivons d’ailleurs cette décomposition au sens où un organisme vivant pourrait nous le faire ressentir, l’image du mot décomposition du système politique sous nos yeux dans des proportions d’ailleurs de plus en plus aggravées et saisissantes.
Mais je ne vois pas pour ce qui me concerne d’autonomie du problème institutionnel par rapport au problème de la société. D’ailleurs la question institutionnelle n’a jamais eu d’intérêt qu’en rapport avec les questions qui traversent la société et les besoins de les résoudre. La Ve République a rendu de nombreux services. Elle a modernisé le pays, elle nous a sortis de la décolonisation, la gauche d’ailleurs a pris sa part, et sa responsabilité dans cette période, apaisant le débat politique sous l’égide un peu encombrante du gaullisme jusqu’aux premières divisions de la droite, l’apparition de Giscard. La gauche, elle a permis aussi la victoire de la gauche dans des proportions que l’on connaît et avec une personnalité charismatique, exceptionnelle comme on n’en trouve pas deux par siècle : je veux parler de François Mitterrand. Et c’est bien le problème pour la gauche. [Applaudissements] Je n’imaginais pas être applaudi à ce moment-là.
Je veux rendre un hommage funèbre en tout cas posthume à la Ve République. Nous avons ce devoir-là. Je le fais sans aucun plaisir particulier, mais il faut rendre cet hommage. Elle a permis de moderniser le pays, de faire la construction européenne, sans d’ailleurs demander beaucoup à la société ce qu’elle en pensait. Elle a permis de construire un appareil de production énergétique permettant d’être assez indépendants. Elle a construit une force nucléaire de frappe et un appareil militaire moderne. Sans qu’on ne demande jamais à personne et la société ce qu’elle en pensait avec les charges financières qu’il fallait assumer derrière. Elle a modernisé l’appareil industriel agricole pour nous amener cinquante ans plus tard avec une agriculture qui est compétitive quand même par rapport à une planète qui a de plus en plus besoin de se nourrir. Elle a industrialisé le pays dans des proportions qui aujourd’hui montrent, bien que cette industrialisation soit aujourd’hui très attaquée par la mondialisation, et c’est bien là une des premières contradictions qui apparaissent, qui font surgir le problème de la démocratie, et les moyens du politique pour agir sur l’économie, nous avons là en face de nous finalement un bilan jusqu’aux années du dérèglement assez positif sur le seul plan institutionnel. Donc il n’y a pas de question institutionnelle sans rapport avec les problématiques posées par la société.
Et que se passe-t-il dans la société française pendant ce temps-là ? D’abord, je crois, une mondialisation qui a évidemment posé le problème d’abord de l’identité nationale : que sommes-nous dans le monde et que voulons-nous y faire ? Et quel est notre projet, français dans ce monde ? On nous répondait : Europe. Et les conditions dans lesquelles on a construit l’Europe n’ont pas été en rapport avec les aspirations profondes de la société. On nous dit donc : Oui, ce n’était pas celle-là qu’on voulait, on en voulait une autre ! Ah bon ! Retour à la case départ. Ça c’était l’année dernière. On nous dit que nous avons le devoir de nous adapter. C’est-à-dire que le désarmement assez unilatéral des outils politiques pour faire face aux enjeux du monde nouveau d’un capitalisme qui n’est plus industriel et national, qui est transnational et financier, pose évidemment la question, qui a toujours été posée au mouvement ouvrier et aux héritiers que nous sommes, c’est le contrepoids démocratique pour humaniser un capitalisme de plus en plus vorace, cupide et cruel sur le plan social et humain.
Nous savons dans ce qu’est devenue l’économie, et là nous arrivons aux contradictions. C’est qu’aujourd’hui le levier politique ne répond plus, ni sur le plan européen, ni sur le plan national et nous sommes entrés d’une crise sociale à une crise démocratique. À quoi cela sert d’aller voter ? Montée des populismes en conséquence, montée des nationalismes, de la xénophobie, repli national parce que ça ne sert plus à rien et nous n’avons plus les instruments politiques pour maîtriser notre destinée collective. À partir de là la question de la Ve République est posée puisqu’elle n’est plus en adéquation avec les problèmes du monde, pire elle est l’outil par lequel la société, j’allais dire l’économie française a été ouverte sur le monde, et mondialisée en quelque sorte. Et en plus sans obtenir les contreparties que nous espérions, c’était le débat de Maastricht qui déjà amorçait la question des contreparties à l’indépendance de la Banque centrale, outil monétaire, ce n’est pas rien quand même… On en a assez souffert, nous autres, avec le franc, les dévaluations permanentes, les camarades qui étaient ministres dans les gouvernements de la gauche se souviennent la plaie que c’était et l’euro est une énorme conquête, c’est un bouclier qui nous protège. Mais la question des contreparties sociales à la concession faite au deutschemark au moment où les Allemands abandonnaient leur monnaie forte, qui d’ailleurs, car nous étions dans une zone mark, avant la naissance de l’euro, et maintenant nous sommes tous à égalité dans une zone commune de la monnaie unique, c’est un progrès pour nous, maintenant la question des outils politiques, la maîtrise du taux de change est maintenant posée par rapport à ce qu’est devenu le monde et la violence des troubles et des turbulences économiques.
Donc c’est la place de la démocratie dans un monde où les libéraux nous expliquent à chaque instant, qu’il en faut de moins en moins et que ne peuvent servir que quelques utilités anecdotiques. D’ailleurs aujourd’hui la population… – hier soir j’étais dans une commune de ma circonscription, je tenais une permanence, je vois arriver une jeune femme qui tient un gîte rural, qui m’a sorti une phrase extraordinaire que j’ai notée : « Nous en avons assez de ce libéralisme dictatorial. » Il y a le paradoxe que l’absence de démocratie a finalement inventé la liberté absolue en économie pour qu’elle devienne un instrument de dictature sur les êtres humains. Extraordinaire ! Donc nous sommes arrivés à l’excès. Et le problème c’est qu’il n’y a plus un seul système politique qui réponde présent face à cet excès.
C’est là l’enjeu posé par, à la fois, la place de la démocratie dans notre pays, dans le continent européen, et face à la mondialisation dans le monde. Qu’est-ce que les hommes peuvent pour décider ce qu’ils veulent faire ensemble ?
Alors voilà, le problème qui nous est posé. D’ailleurs si vous regardez même plus techniquement ce qu’est devenu la Ve République, on peut imaginer qu’elle est à la fois un système autoritaire, et impuissant. Autoritaire parce qu’elle permet à trois personnes de décider pour une société tout entière, on l’a vu dans l’affaire du CPE, mais on l’a vu depuis des années, ça permet en effet, c’est un système d’irresponsabilité qui permet de gouverner contre le monde entier. D’ailleurs, je comparais souvent la société à la mer déchaînée, une houle inquiétante et la Ve République le phare d’Ouessant, avec le gardien du phare qui n’entend rien de ce qui se passe à l’extérieur. Nous préférerions un peu plus de turbulence à l’intérieur et un peu plus de calme et de paix à l’extérieur. C’est ce rapport à la société que d’ailleurs que Général de Gaulle lui-même résumait à travers cette phrase d’ailleurs assez mythique et extraordinairement significative : « Les Français sont des veaux », c’est-à-dire des gamins, ils ont besoin d’un berger, ils n’ont rien dans le citron, ils sont bons à aller à l’abattage, la métaphore est extrêmement violente parce qu’elle illustre dans quelle conception d’infantilisation, la société française est tenue et j’allais dire, elle l’est encore, car moins les Français, et c’est la question du contrat mendésiste, la République moderne, qui a été à l’époque ; il y a deux livres qui ont été opposés, on parlait des débats de Léon Blum, de la gauche mais la Ve République, François Mitterrand et Pierre Mendès-France qui eux n’avaient pas signé comme Guy Mollet ont posé les problèmes dans leur littérature. La République moderne, c’est la question de ce qu’est un citoyen adulte qui porte sa part de valises de la maison de France. François Mitterrand dans Le Coup d’État permanent, certes c’est un pamphlet polémique, mais il y avait là l’outil de la contestation pour construire ce qui figurait d’ailleurs pour une bonne part dans le projet socialiste des années 80 ; d’ailleurs ceux qui tiennent des verbatim, des discussions politiques au sommet expliquent, d’ailleurs Jacques Attali le dernier dans son livre explique pour quelle raison toute cette partie institutionnelle a été abandonnée. Mais aujourd’hui, faute ! moi je pense que Mitterrand dans le deuxième temps : c’était la grande œuvre qu’il aurait pu laisser derrière lui, une situation assainie derrière lui, démocratie moderne, ce n’est pas la question du numéro croyez-le bien, nous sommes au-delà de ces contingences, nous recherchons la clé de l’espérance, c’est-à-dire l’outil par lequel il y aura la croyance que nous ne sommes plus dans le même monde que celui dans lequel nous avons déjà échoué. C’est parler à l’imaginaire des hommes dans un pays qui n’en n’a plus, qui ne voit pas l’horizon, c’est donc imaginer ensemble que nous pouvons nous les hommes avoir la force de bâtir un bien commun qui n’est pas celui qui nous a été légué par une période donnée, par des hommes donnés, par des erreurs qui aujourd’hui ne sont pas encore reconnues. C’est la page de la démocratie ; Pierre Rosanvallon a écrit un très beau livre, là aussi c’est une anthologie, je crois chez Gallimard, qui s’appelle la Démocratie inachevée, où il reprend toute l’histoire de France et montre comment le processus démocratique au xixe siècle, même au xxe s’est arrêté et a buté sur notre maladie monarchique ou bonapartiste. Nous avons à accomplir cet achèvement, c’est l’œuvre de la gauche et c’est l’œuvre du socialisme démocratique inspiré par Jaurès. C’est l’histoire du socialisme que de s’appuyer sur la démocratie. Jaurès disait bien que sans la République, le socialisme n’est rien, et sans le socialisme la République est vide. Quelle belle formule ! Nous avons donc à reprendre ces drapeaux un peu tombés dans la poussière et les relever pour conduire sur un projet de réarmement du politique face à la toute puissance des marchés et de l’économie, ce fameux libéralisme dictatorial. Voilà l’enjeu politique.
Donc vous voyez qu’on est loin des histoires de 6 ou de 5 ou de 4 et demie. Peu importe ! Mais il faut là s’interroger d’ailleurs sur ce dont la gauche a besoin pour réussir parce que cela fait partie de nos problèmes.
La droite a besoin d’une cinquième République autoritaire même pourrie, parce qu’elle l’est, le poisson pourrit par la tête, franchement ce qu’on voit aujourd’hui le montre, moi je ne veux pas entrer dans le commentaire d’actualité, chacun a déjà son opinion surtout ici.
Maintenant regardons la question nationale de ce point de vue-là. La gauche a besoin de la démocratie pour réussir à faire quoi ? Humaniser le capitalisme, le domestiquer lui qui est devenu sauvage, comme une bête qui se serait échapper de la cage nationale dans laquelle il était enfermé dans des compromis sociaux que les pouvoirs politiques, les contrepoids syndicaux pouvaient lui imposer. Aujourd’hui, il est libre. Et notre problème, c’est de reprendre la main et nous ne pouvons pas le faire dans un cadre national, nous ne pouvons pas le faire dans un cadre européen, ou est-ce que nous pouvons le faire ? Et c’est là qu’on arrive à la question de la VIe République, sociale, ce qu’est la Ve, la Ve proclame qu’elle est laïque, sociale et démocratique. Il ne suffit pas de le dire, il faut là aussi organiser ses moyens. Comment aujourd’hui organiser une économie où la richesse est partagée, pas seulement selon des processus de redistribution qui aujourd’hui sont en crise, mais au stade primaire de la création de la richesse à l’intérieur de l’entreprise. Comment on fait avec le système politique ? S’il ne crée pas les moyens, d’abord d’une démocratie sociale, les moyens de la responsabilité politique en rapport avec un gouvernement de gauche, car la gauche a besoin de la démocratie pour faire fonctionner son projet, c’est-à-dire organiser le mouvement social, le faire déboucher politiquement et faire établir un rapport de confiance entre un gouvernement de gauche et une population aujourd’hui qui ressent le moment politique comme n’ayant plus de porte-parole. C’est cela le populisme, c’est qu’on considère que les partis de gouvernement ne sont plus nos porte-parole, tels qu’ils soient, mais en conséquence, on va chercher les partis racistes, extrémistes et xénophobes. Notre problème c’est de ramener tous ces gens à la République et cette République-là elle ne le peut pas. Donc il faut arriver à trouver d’autres processus et d’autres procédures pour organiser le rétablissement de la confiance entre le peuple, couche populaire, et le système de décision public et politique. C’est cela le projet de VIe République. C’est tout.
Alors après, mais ce n’est déjà pas mal, excusez-moi c’est une analyse politique, ce n’est comment dire il n’y a pas de marotte, pas d’obsession, il y a une nécessité et un problème qu’il va falloir qu’on affronte ensemble. Parce que n’imaginez pas qu’on puisse réformer les retraites, parce qu’elles sont encore à réformer, vous l’avez compris, dans le système politique actuel, où il est impossible d’établir des compromis, car notre problème c’est arriver à bâtir des compromis, d’imposer au patronat une partie de la charge de celui-ci et ce n’est pas dans un système politique sinistré comme celui-ci où l’on discute pas à l’intérieur, où on se bagarre à l’extérieur. On a besoin de faire entrer la société dans le système politique pour discuter à l’intérieur, établir des compromis durables ; c’est la durabilité de la gauche qui est en cause, car on peut utiliser la force et la violence de la Cinquième République, ce qu’ont cru certains socialistes, en pensant s’approprier l’outil, ça s’est retourné contre eux. On ne peut pas gouverner par la violence institutionnelle sans retour de bâton. Donc on a besoin de construire de l’adhésion politique, donc les Français ne sont plus des veaux, ils ont la télévision, l’école, la République, ils ont appris beaucoup, ils lisent, ils s’instruisent, ils sont en train de divorcer de leurs classes dirigeantes, et nous on est dedans. Donc on quand même intérêt à se bouger. Excusez-moi de le dire comme cela…
Alors qu’est-ce que c’est que la VIe République ? C’est un régime de responsabilité. Le système aujourd’hui est irresponsable, il faut organiser la responsabilité. C’est un signal, un marqueur très important, à direction de la population qui aujourd’hui veut voir émerger une forme d’alternative au libéralisme. Il ne se contente pas de nous demander le souhaitable, nous savons quoi souhaiter. Ils veulent que le souhaitable se transforme en possible et pour cela on a besoin évidemment de poser la question des marges de manœuvre politique, marge de manœuvre financière, des outils pour l’action, des contraintes, c’est sûr, si vous mettez Sénat + Conseil constitutionnel sur un gouvernement de gauche, Jean Le Garrec en sait quelque chose, lui qui a nationalisé dans des conditions dont il se souvient et c’était simplement les débuts du Conseil constitutionnel, et bien aujourd’hui nous pouvons considérer que les marges de manœuvre d’action politique de la gauche sont extrêmement rétrécies. Vous rajoutez la Commission européenne, la Cour de justice des communautés européennes, vous pouvez considérer que les marges de manœuvre de la gauche sont encore plus rétrécies. Et si en plus vous n’avez pas les moyens de donner plus de poids à la démocratie parlementaire, c’est-à-dire que les lois prennent une force particulière, elles marquent l’idée du compromis politique, et bien je pense que nous allons au devant de graves déconvenues. Et l’accumulation des problèmes qui n’ont pas été réglés, ou qui ont été aggravés par la droite, qui nous attendent : santé, éducation, sécurité sociale, toute la réforme de l’État providence et son sauvetage, droit du travail, avec tous les problèmes que nous avons quand même à affronter, face à la précarisation des conditions, la chute du pouvoir d’achat, problème de la répartition différente de la richesse, les questions environnementales furieusement graves : fin du pétrole, comment on fait pour changer le mode de vie de millions de gens dans notre pays en moins de dix ans. Parce que c’est cela qui nous attend. On ne le fera pas avec ce système-là. C’est un système unilatéral. Donc on sera obligé de construire des discussions, des délibérations, elles seront lentes, nous déciderons plus à la hussarde comme nous avons pris cette habitude avec un Parlement passage à niveau qui est pour, qui est contre, qui est pour, qui est contre… mais avec un Parlement délibérant, adulte, capable aussi de construire des majorités ; toutes ces questions-là nous sommes obligés de les poser et cela va être pour la génération de dirigeants qui arrivent, parce que on ne peut pas gouverner dans le cadre actuel, en tout cas moi je ne sais pas comment on pourra faire.
Je ne veux pas entrer dans les détails… mais responsabilité, délibération, confiance avec le corps social, société mieux représentée, sont les ingrédients de la réussite, donc vous voyez bien que l’on ne peut pas se contenter de trois réformes, on est obligé de restructurer, de toucher à l’architecture… Donc évidemment la question du pouvoir du Président est par conséquent posée. Je ne parle pas de l’élection au suffrage universel, avec laquelle on peut travailler. Mais la question des pouvoirs du Président, est tout à fait posée, puisque le Président n’est pas responsable de ses actes. Donc il ne peut pas avoir des pouvoirs de gouvernement, en revanche il peut voir ses pouvoirs d’arbitrage, c’est-à-dire de saisine, d’arbitrage en cas de conflit entre les pouvoirs, de saisine des autres autorités, de protection des droits des citoyens, c’est une forme d’arbitrage de protéger les citoyens contre les abus de pouvoir.
Aujourd’hui seul le Parlement a un garde-fou, s’il est fou, c’est le Conseil constitutionnel. Tous les autres pouvoirs peuvent abuser de leur pouvoir, il n’y a pas de gardien. Le Président est lui-même intéressé, donc il ne garde personne pas même lui-même. Vous l’avez remarqué… Donc nous voyons bien que tout le système est en délitement puisque le système permet l’abus. Aujourd’hui un ministre de l’Intérieur peut porter atteinte à la séparation des pouvoirs en demandant des sanctions contre un juge, le Président de la République peut instrumentaliser la Justice, il peut dire, rétablissant le véto monarchique de Louis XVI dans la première Constitution après la Révolution française en 1791, le véto suspensif du roi contre la volonté du souverain, c’est-à-dire : j’ai voté une loi, je le suspends parce que cela m’intéresse, parce que j’y ai un intérêt circonstanciel … On peut décider de paralyser le fonctionnement d’ailleurs des règles constitutionnelles sans aucune difficulté, s’agissant de l’impunité judiciaire du Président, multiplier ce que, aujourd’hui, veut dire par la multiplication des atteintes, on peut multiplier ici les exemples de ce délitement veut dire. C’est parce que le système permet le non-respect de la règle. Donc c’est l’absence de responsabilité ou politique ou juridique des organes constitutionnels. Donc il y a aujourd’hui un affaiblissement de la portée de la solidité de la force de ce qui nous est commun en France et c’est le terreau à la montée des communautarismes que signalaient Marie-Noëlle Lienemann, c’est la montée de la violence politique dans le pays, pas seulement verbale, mais physique même, c’est la montée du populisme électoral et c’est peut-être le début d’une aventure à la mode du général Boulanger, qui, si nous n’y prenons pas garde, se prépare pour l’année prochaine.
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