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Jean Le Garrec Président du Cercle Ramadier

« On ne peut rien faire sans espoir, en se cantonnant dans la mélancolie, le dépit, la résignation.
Il faut de l’espérance pour affronter le formidable défi de l’ère planétaire,
mais la grandeur de la cause doit nous donner le courage et la volonté…. »

 

Nous avons décidé de relancer un cercle historique, et le nom de Ramadier suffit d’ailleurs à illustrer toute cette histoire, car nous pensions qu’il était tout à fait important, à un moment-clé, de nous engager dans une réflexion politique et d’apporter notre participation et notre pierre à cette réflexion collective.

Je remercie tous ceux et toutes celles qui ont déjà fait l’effort de participer à ce colloque, je remercie chaleureusement les intervenants. Et je remercie ceux qui ont beaucoup œuvré pour l’organisation de ce colloque en particulier Anne-Juliette et aussi Philippe-Michel Thibault qui interviendra cet après-midi.

Pourquoi la nécessité d’engager une réflexion sur le thème choisi ? On voit très bien, et le général Paris vient de le dire, que nous sommes incontestablement dans une situation de crise sociale. Je vous recommande à ce propos la lecture d’un livre édité par la Fondation Jean Jaurès intitulé « Le descendeur social ». Moi, qui suis élu d’une région difficile, le Nord, le bassin dunkerquois, j’en mesure les conséquences dans ma circonscription et je vois bien l’ampleur de cette crise : crise collective et crise institutionnelle. Et c’est le propos de ce matin : jeter, à travers nos intervenants, un regard sur cette situation et ensuite commencer à esquisser des réflexions sur les réponses possibles…

C’est une banalité de dire que nos institutions sont obsolètes mais pour un parlementaire c’est quelque chose de palpable au quotidien. La Ve République a incontestablement joué son rôle. Elle a été construite pour de Gaulle, elle a joué son rôle dans les difficultés de la IVe République et la sortie d’une politique coloniale. Les institutions ont eu à faire face à de graves difficultés pour notre pays.

Je dois dire d’ailleurs que le président Mitterrand qui avait beaucoup critiqué ces institutions, s’y est moulé totalement, et les a faites siennes, ce qui est quand même assez extraordinaire. On voit très bien que dans ce genre de situation où il y a une nécessité d’adaptation à des problèmes de plus en plus difficiles, de souplesse d’intervention, de liens avec la population, de liens avec les collectivités, nos institutions ne répondent plus.

Quand vous regardez la composition de l’Assemblée nationale, c’est frappant, à gauche comme à droite. Vous avez une représentation appuyée pour l’essentiel sur des professions libérales, des fonctionnaires, et cela s’arrête là !

Donc vous avez un système institutionnel représentatif qui n’est plus adapté à une situation dont on sait qu’elle implique au niveau européen, au niveau national, international, une très grande souplesse, une très grande capacité de réalisation. C’est frappant et on s’aperçoit même et le gouvernement actuel en est l’illustration dramatique. Le gouvernement va à vau l’eau, il réagit tant bien que mal -et plutôt mal que bien - à des préoccupations, et s’assoit délibérément sur tous les engagements pris. J’en donnerai deux exemples : Fillon dit qu’ « il est hors de question de toucher à ce qui concerne le Code du travail, sans avoir une négociation préalable », et on fait voter le CPE sans concertation préalable, sans élément d’appréciation… Rien. Le texte tombe. On voit un ministre comme Sarkozy dire, à propos de l’ouverture du capital EDF – GDF qu’ « il est hors de question que cette ouverture dépasse 30 % et l’État doit disposer de 70 % du capital » ; un an après Suez Gaz de France …

Je pourrais multiplier les exemples. Je dirai même, fait tout à fait nouveau, qu’il y a une incompétence à maîtriser les dossiers. Il y a un petit phénomène que vous ne connaissez pas, que je vais vous raconter : après ce mouvement assez extraordinaire contre le CPE, où le gouvernement décide de chasser le CPE sans le dire tout en le disant et bâtit en vitesse un texte parlementaire qui mettrait hors du jeu l’article 8, on découvre le jour du débat que ce texte n’est constitutionnellement pas recevable. Alors : drame. Bien entendu nous n’avons pas fait un recours constitutionnel puisque l’objectif était de mettre hors jeu le CPE, parce que si l’on avait fait un recours on aurait gagné… Ça été assez peu évoqué par la presse mais c’est du jamais vu. J’ai eu de nombreuses responsabilités au gouvernement et à l’assemblée et je n’ai jamais vu cela.

Donc il y a vraiment même dans l’incapacité de maîtrise des sujets une incompétence si ce n’est un système plus grave. Et on voit bien que cela ne peut perdurer. Je dois dire d’ailleurs, c’est un point de désaccord, que l’inversion du calendrier est une erreur monumentale. Elle a encore aggravé le lien entre l’ensemble de la chaîne des responsabilités et l’élection présidentielle.

Donc il y a là une réflexion institutionnelle qui ne peut pas s’arrêter simplement au contenu même de la Constitution, à l’articulation des pouvoirs publics, à la représentation des citoyens puisque qu’on ne peut pas, comme le dit Paris, passer à l’agora, telle qu’elle est décrite par ce grand bonhomme qui s’appelle Castoriadis. On est bien aussi dans la nécessité d’articuler cette réflexion au niveau du fonctionnement de l’appareil d’État, de la représentation. Même ces liens se sont totalement distendus. On risque d’avoir d’ailleurs une espèce d’autonomie des collectivités, s’emparant de sujets sans en avoir véritablement la responsabilité. Donc il y a là une situation d’une très grande gravité, qui est d’ailleurs illustrée par la crise des banlieues et ce mouvement extraordinaire contre le CPE.

Donc on voit très bien qu’on est dans une situation organique, dans une situation démocratique d’une très grande difficulté. Et dans ce genre de situation, nul ne sait pas ce qui peut arriver. Théoriquement, dans d’autres périodes, après le référendum, le Premier ministre aurait démissionné, éventuellement même le Président de la République. C’est évident ! Au moins c’est une leçon qu’on pourra retenir de de Gaulle.

Je disais les représentations de la France dans sa diversité, sa diversité culturelle, cette diversité de la présence sur son territoire de millions d’hommes et de femmes que l’on a fait venir dans les années 50 parce que nous avions besoin d’eux pour reconstruire la France. Ils sont là, ils sont installés. Aucune représentation ! Ce pourrait être une richesse si on la prenait en compte, et ce n’est pas le cas… Et ils sont des millions en France.

Ce problème concerne l’ensemble du pays et fait le lit sur lequel se construisent les extrémismes. Et tant que vous n’avez pas le souci de cette diversité… le champ est clos.

Bien entendu la laïcité, loi fondamentale de la République. Il faut reprendre ce débat sur la laïcité comme principe fondamental de la liberté, de culture, de croyance, de respect. On ne parle pas du protestant, on ne parle pas du catholique,… C’est cela l’état des lieux, et dans cet état des lieux il y a le débat politique, mais il y a aussi le rôle de la société civile, des organisations syndicales…

Et je suis de ceux qui considèrent que le rôle du Cercle Ramadier, ce n’est pas de suivre l’histoire, c’est d’être l’élément porteur. D’où cette première initiative, ce premier colloque, qui sera l’ouverture de quelque chose, parce que sinon on reste à côté de ce que sont nos responsabilités, c’est pour cela que je vous remercie d’être là ce matin… et ce sera une pierre qu’on aura posée, mettre des pierres sur d’autres pierres…

Alors nos intervenants de ce matin : d’abord Charles Fiterman, ancien ministre d’État, je pensais à une image très forte de lui. J’étais attaché au cabinet de Pierre Mauroy. C’est l’arrivée dans la cour de l’Élysée pour le Premier Conseil des Ministres, de quatre ministres : Charles Fiterman, Marcel Rigout, Jack Ralite et Anicet Le Pors. Cette image pour moi, que l’on retrouve dans les livres d’histoire, est une image très forte. Quelque chose était en train de se faire. Cette image que j’évoquais avec Charles est un souvenir très cher dans mon esprit.

Lyne Cohen-Solal, maire adjointe du maire de Paris, chargée du Commerce et de l’Artisanat, mais ce qui nous intéresse dans la présence de Lyne, c’est la perception qu’elle a de l’état des lieux. Et enfin Nicole Maestracci, qui est Présidente du T.G.I. de Melun, présidente de la Fédération Nationale des associations d’accueil et de Réinsertion Sociale que j’ai rencontrée plusieurs fois. Dans la réinsertion l’engagement de Nicole est très important, et avant de leur passer la parole, je voudrais dire quelques lignes qui sont d’Edgar Morin :

« On ne peut rien faire sans espoir, en se cantonnant dans la mélancolie, le dépit, la résignation. Il faut de l’espérance pour affronter le formidable défi de l’ère planétaire, mais la grandeur de la cause doit nous donner le courage et la volonté…. »

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