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Quelle est la place de l'État ? En France elle est cardinale !

Général (cr) Henri Paris
Président délégué du Cercle Ramadier

 

Chers amis, Bienvenue ! Le cercle Ramadier est tout à fait heureux de vous recevoir, et de démarrer un nouveau cycle. Le sujet qui nous intéresse aujourd’hui est prémonitoire à plus d’un titre, ne serait-ce que par son intitulé employant le terme de renouveau. En effet, le thème du colloque, « La République en crise, vers quel renouveau ? » pose de toute évidence un problème. La matinée sera consacrée à un état des lieux. Plusieurs problèmes seront évoqués, dont la question d’une démocratie représentative, qui déclenche très effectivement, une interrogation. La démocratie directe du type des cités grecques est impossible. On ne peut pas réunir tous les citoyens du corps électoral dans une quelconque agora. On n’y arriverait pas. Même la place de la Concorde ne serait pas assez grande. Donc la solution est dans une démocratie représentative, et la forme de son scrutin. Cependant, qui représente qui ?

Le problème intervient puisque, sortant d’une période de troubles qui n’est d’ailleurs peut-être pas terminée, c’est-à-dire celle du CPE, qui fait suite à une révolte, une insurrection dans les banlieues, donc on s’aperçoit qu’il y a un schisme, une rupture entre le pays réel, et sa représentation parlementaire. Cela me fait penser à ce qu’on disait en riant du temps de la guerre d’Algérie, en riant d’une façon un peu amère… « Les Français font la guerre sur les grandes routes, et les Fellaghas la font sur les sentiers ». Conclusion : ils ne se rencontrent jamais. Si ce n’est qu’à la fin de la guerre, les uns vont s’apercevoir qu’ils avaient perdu, et les autres qu’ils avaient gagné. Mais on peut continuer comme cela très longtemps, et il est évident que cette démocratie représentative, parlementaire perd son crédit, et en même temps qu’elle perd de son crédit, c’est la démocratie tout court qui perd de son crédit, et c’est à partir de là que démarre dans les états d’esprit, des slogans du type de « sortez les sortants ». La démocratie cesse d’être valable et à ce moment-là s’ouvre l’ère des aventures, et il faut faire très attention à cela. Effectivement, le moins est le désintérêt pour la vie politique, ce qui ouvre le chemin à la dictature, quand encore, les citoyens dégoûtés d’une démocratie frelatée n’appellent pas directement la dictature !

Alors il n’y a pas que la représentativité parlementaire qui est en jeu, il y a une représentation syndicale, il y a des systèmes de coordination, on les a vu éclater ici même, en cette même Sorbonne, où l’autorité avait disparu au profit de ces coordinations créées pratiquement sui generis. Or, le sui generis dans ces cas-là donne des idées, des idées de continuité, de reprise du système. Et cela mine encore une fois cette démocratie parlementaire et je ne reprends pas ce que j’ai dit, cela mine la démocratie tout court.

Autre problème : il y a à évoquer des solidarités. Alors que faut-il comprendre par solidarité ? Le gouvernement actuel a sorti comme projet de loi : « l’égalité des chances ». L’égalité des chances touche, entre autres, notamment l’enseignement, alors là le sujet est extrêmement vaste, et vous le connaissez, c’est pourquoi je n’y reviendrai pas.

Il est bien évident que l’école est une école pour tous. L’enseignement est universel et obligatoire, mais… mais il est tout aussi évident que si l’on fréquente les écoles de la Plaine Saint-Denis, on a beaucoup moins de chances de réussir et ô combien, que si l’on fréquente le lycée Henri IV. C’est toujours évident ! Or l’égalité des chances passe par des discriminations. Enfin on peut inventer cela, une classe de 26-35 élèves au lycée Henri IV, ça passe, parce qu’il y a les relais familiaux, où tout se joue. Ensuite le niveau de conscience des scolarisés est suffisant pour qu’ils aient envie d’apprendre. Et s’ils ne le veulent pas, un des précédents proviseurs d’H. IV que je connais bien et qui siège maintenant au Conseil de Paris n’hésitait pas à les mettre dehors. Dans la Plaine Saint-Denis ce n’est pas la même chose, il y a des problèmes de discipline qui se posent, et je dis qu’au niveau des discriminations positives, et de la solidarité, on pourrait peut-être inventer là des classes de 12 ou de 10, faire un effort beaucoup plus important, si l’on veut que l’égalité des chances soit respectée et si l’on veut que tout le monde joue dans la même cour.

La réduction des exclusions aussi passe par cette solidarité. Et les exclus mettent en danger la démocratie. La démocratie dans ces cas-là devient malade, parce que les exclus n’aiment pas être exclus, et donc ils s’insurgent. C’est très mauvais qu’ils s’insurgent, parce qu’ils ruinent la démocratie, et l’insurrection peut aller du caillassage jusqu’aux armes. Et c’est extrêmement dangereux.

La solidarité joue au plan interne, elle joue aussi au plan externe, il est évident qu’en ce qui concerne les pays en voie de développement, ancienne appellation, nous avons maintenant une explosion, et que la situation ne pourra pas durer. Il ne peut pas y avoir des pays très riches et des pays très pauvres. Et les pays émergents veulent rejoindre le clan des très riches, tout en acceptant des distorsions entre eux, en leur sein, comme chez nous. Il y a des distorsions fantastiques chez nous entre les très bas salaires et les très hauts salaires, au point que certains ont réinventé l’idée d’émettre un plafond de salaire tout simplement. Mais le même problème se retrouve entre les pays en voie de développement et surtout les pays émergents, où les distorsions entre les classes pauvres et les classes riches deviennent extrêmes. Et cela conduit à des insécurités et à des déséquilibres qui peuvent éclater, et la démocratie encore une fois devient malade.

La laïcité. Alors j’ai la faiblesse de penser que la laïcité à la française - je dis bien que c’est une faiblesse - est un bon système, un système aussi exportable, certes, compliqué mais exportable. J’ai dit que c’est un bon système, j’ai cette faiblesse, non pas par franchouillardise, par chauvinisme idiot, mais parce que finalement c’est le système qui a ramené la paix chez nous. Et à plusieurs reprises !

Voyez cette question du voile : elle a été bien ou mal, et plutôt mieux et bien réglée. Et elle a été susceptible de provoquer des désordres. Et cette laïcité est donc une chance. Il faut examiner si c’est un système exportable ou pas.

Finalement, on se demande si ce n’est pas la Ve République, la République tout simplement qui est malade. Si ce n’est la Constitution qui est en cause. A titre d’exemple, je veux faire allusion à l’article 35 de la Constitution. Personne ne connaît cette Constitution par cœur et c’est normal. Je m’y suis penché, parce que c’est l’article 35 qui donne exclusivement au Président de la République le soin de déclarer la guerre après vote du Parlement. Or, regardez : l’article 35 est complètement obsolète ; la dernière fois que la guerre a été déclarée, c’était le 15 juillet 1870. Depuis : on constate les guerres. « Alors voilà on est en guerre… » On ne sait pas très bien pourquoi. Il découle de cet article 35 que le président de la République, sans aucune sanction du Parlement, représentant du peuple français, peut engager une opération extérieure. Et cette opération, par dérives successives, peut déborder sur une guerre.

Regardez encore autre chose : nous sommes partis dans une aventure, que nous espérons tous valable, au Tchad et en Côte d’Ivoire. Alors le président de la République envoie des troupes au Tchad et intervient militairement, non sans contradiction, puisqu’une voix officielle a commencé par dire : « mais non, mais non ! Jamais ! », et il s’agit du directeur de la Dicod, le système d’information des armées qui annonce : « Non, non, les Français n’interviennent pas. » Vingt-quatre heures après, on apprend que l’aviation française a mitraillé les colonnes rebelles. Vous vous dites que si l’adversaire est dénommé rebelle, c’est que l’on est du côté des gouvernementaux. Et c’est comme cela qu’on apprend que les Français sont lancés dans cette guerre. En Côte d’Ivoire, même histoire, on intervient militairement, et le peuple français et le Parlement français ne sont absolument pas saisis. « Il y a quelque chose de pourri dans ce royaume de Danemark » L’article 35 est obsolète. Il faut en changer.

Je vais simplement en guise de conclusion à cette ouverture, poser une question : c’est celle de l’État, Quelle est la place de l’État ? Entre un État ultra-libéral à la mode anglo-saxonne et un État extrêmement jacobin, il y a certainement un juste milieu qui est à trouver, mais la place de l’État en France est cardinale et est certainement un point extrêmement profond et qui doit être débattu, et débattu correctement.

Merci.

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