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Table ronde : la souffrance au travail

L'intensification du travail, la souffrance au travail

 

15 participants ont contribué au débat et l'un d'entre eux a signalé un article du journal « Le Monde » daté de ce jour 6 octobre avec pour titre « Le stress au travail est identifié comme chantier prioritaire »

Jean-Michel Rosenfeld qui animait la table ronde en tant que modérateur constate en préambule que:

- Beaucoup de travailleurs s'orientent vers un emploi par manque de motivation à l'issue de leurs études.

- La pénibilité du travail s'accroît et parallèlement croît également une « fierté à ne pas se plaindre »

- Enfin et surtout, par delà les chiffres et les statistiques, il y a des hommes et des femmes

Philippe Guglielmi ouvre le débat en constatant que « nous avons à réfléchir sur deux termes qualifiant le travail: intensification et souffrance.

Nous pouvons dire d'emblée que l'intensification du travail qui vient du latin « intensus » et qui signifie « tendu » est facteur de souffrance.
Nous pouvons presque nous risquer à dire : « travailler plus pour souffrir plus » en réponse aux thuriféraires d'une société laborieuse mais au sein de laquelle le labeur n'est pas l'affaire de tous et certainement pas celle de hiérarques moralisateurs.

Le mot travail quant à lui vient également du latin, du mot « tripalium » qui était une torture infligée aux délinquants dans la Rome antique.

Les encyclopédistes, les grands orateurs de la révolution française ont, dans le cadre du siècle des lumières, magnifié le travail pour le faire passer du servage à celui d'une société organisée où chacun devrait gagner selon son travail.

Mais il s'agit là d'un vœu pieux car tout cela ne se fait pas sans dégâts avec des risques d'exclusion, de perte de qualité des relations de travail et même, à long terme, d'efficacité économique. L'intensification entraîne la complexification du travail. Dans cette complexité le travailleur abandonne ses repères temporels et spatiaux. Déstabilisé il doit répondre à une demande sans cesse croissante de l'entreprise elle même confrontée à la compétition boursière et au thermomètre du CAC 40 si étroitement lié au DOW JONES. A ce stade, le travailleur est aux portes de la souffrance qui ne va pas tarder à le gagner de manière proportionnelle au besoin de la performance des entreprises. La souffrance au travail est une pathologie reconnue qui est devenue une spécialité médicale. Ainsi s'ouvrent des cabinets de Psychopathologie du travail et thérapie comportementale. Le malheur de l'ouvrier fait le bonheur des marchands de psychotropes et la fortune des carabins. Les français sont es plus gros consommateurs d'Europe pour ce type de médications. S’il y a médicament c'est qu'il y a bien souffrance!

L'intensification du travail est dépendante des changements dans l'actionnariat des entreprises et la conquête de marchés. Il n'est au reste pas sûr que cette vision à courte vue conduise à une amélioration durable des performances. »

Michel DEBOUT, vice président de la section « Travail » au Conseil Économique et Social. est le premier intervenant.

Il répond à la question: « qu'est le travail? » en disant que c'est une double acceptation d'efforts et de contraintes.

Efforts de deux ordres, physique et mental. d'une part, et d'autre part acceptation de contraintes qu'il quantifie à 4

1 – Contrainte de temps; ce qui ouvre du reste le débat sur l'âge de la retraite.

2 – Contrainte environnementale quant aux outils qu'on doit maîtriser sans qu'on les ait la plupart du temps choisis.

3 – Contrainte de relations; on ne choisit pas ses parents, ni ses collègues, ni les clients, ni les usagers de l'entreprise pour laquelle on travaille.

3 – Contrainte de production; quand on travaille, on n'est pas assisté.

Les contreparties en sont la Reconnaissance, matérialisée par le salaire, le respect de la personne au travail, la prise en compte de l'identité de celui qui travaille et surtout lapréservation de la santé au sens de la définition de l'OMS: « état de santé total de bien-être ».

Pourtant la « souffrance au travail » contredit le bien-être au travail. La santé au travail est due au salarié. On distinguera le stress et la dépressivité.

- Parler du « stress », c'est parler de façon extérieure par rapport au travail.

- La dépressivité par contre est une maladie grave résultant de la dépréciation du travail.

Notre témoin, Joseph LE CORRE, apporte un propos personnel indépendant de l'ARACT dont il est le directeur.

- Il suggère de regarder les conditions de travail avec la volonté de les améliorer par le dialogue et l'équilibre entre l'économique et le social.

- Il voit le travail sous un angle collectif.

- Il dit qu'il est angélique de penser qu'un texte de loi peut améliorer les conditions de travail.

- Pour lui, le travail est un acte majeur de choix et il peut exprimer une certaine liberté.

- Est contraint celui qui n'a pas de travail.

A l'issue de ces interventions, Jean LE GARREC Président de notre Cercle, souligne l'ambiguïté qui existe entre les expressions « valeur travail » et « valeur du travail. Il est très difficile de quantifier les formes nouvelles du travail.

La parole est ensuite prise par les membres de la table ronde au cours de 19 interventions.

- Il y a des termes qui manquent comme capitalisme, nous sommes confrontés à un système de capitalisme intégral.

- Nous n'avons pas non plus entendu le mot métier, et la question de l'acquisition du métier, qui attribue une dignité au travailleur, se pose.

- Il faudra bien quantifier la pénibilité du travail. Ce sera aux partenaires sociaux de la mettre en œuvre. et il y a aussi une souffrance du non-travail à travers les gens dé sociabilisés.

- Il faudrait aller plus loin que le seul intitulé de notre table ronde, Il faut s'interroger sur l'incidence de la société par rapport à l'évolution de la notion de travail.

Les Intervenants mettent successivement en exergue:

- La dégradation des conditions de travail dans les grandes entreprises.

- L'inquiétude sur l'absence des syndicats dans les petites entreprises.

- Qu'on se soucie moins de l'individu que du profit et de la rentabilité immédiate.

- Que la notion même de l'homme a été mise de côté et que nous sommes face à un nouvel esclavagisme.

- que se pose la question de blocages qui résulteraient du changement de lieu de la négociation.

- Que le rôle formateur de l'école de la république n'est plus ce qu'il fût.

- Que nous somme face à un Taylorisme moderne.

- Et qu'avec des mécanismes ordinaires, on va dévaloriser la personne.

- Que l'employeur devient le propriétaire de toute l'activité intellectuelle de la personne, notamment dans le domaine du travail informatique.

- Que l'idéal serait d'en arriver à la cogestion qualifiée.

En présence de Jean AUROUX, Jean-Michel ROSENFELD note que les lois qui portent son nom ont été maintes fois mentionnées par les intervenants en terme de référence; il conclut en notant qu'elles ont été, malheureusement, petit à petit complètement dénaturées.

Philippe Guglielmi

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